Imprimer Chercher

"Clarinet and Strings Quartet" dans le métro et à l'aéroport - L'EMN joue Morton Feldman

Le nerf inouï des villes
 
12 septembre 2008, Aéroport de Zaventem & Métro Yser, Bruxelles - Concerts gratuits -
 
Morton Feldman (1926-1987): Clarinet and Strings Quartet (1983 - 42:20) Charles Michiels (clarinette), Jean-Pol Zanutel (violoncelle), Antoine Maisonhaute et Pierre Heneaux (violons), Dominica Eyckmans (alto).

« Ma musique est dans le silence. C'est tout ce que je peux dire», déclarait le compositeur américain Morton Feldman à Jean-Yves Bosseur dans un entretien précisément nommé « A l'écart des grandes villes ». [Revue d'Esthétique, « Musiques Nouvelles », éd. Klincksieck, Paris, 1967-68] Or c'est entre deux villes que l'Ensemble Musiques Nouvelles choisit d'interpréter une de ses œuvres dans le cadre du Klara Festival : à l'aéroport de Zaventem et à la Gare Centrale de Bruxelles.

Au-delà des apparences, les musiciens qui s'installent dans des lieux parmi les plus bruyants de l'espace urbain, espaces névralgiques de transit incessant, rejoignent la passion insatiable de Feldman pour ce qui passe, revient, disparaît et se métamorphose imperceptiblement. Loin des dogmes sérialistes ou minimalistes, sa musique se détache des trajectoires établies, de leur assurance ou de leur précipitation. Elle s'écoule avec quiétude : contemplative, instinctive et vibrante. « Le temps existe avant que nous posions nos pattes sur lui – nos intelligences, nos imaginations en lui. » [Morton Feldman, Ecrits et paroles, L'Harmattan, 1998] Attentif, Feldman cherche à saisir l'immanence du son, sa matérialité pure, hors de tout système interprétatif, lyrique, sacré ou formaliste. En jouant sa musique dans un aéroport ou une gare, l'EMN incite les voyageurs à ralentir leur flux, à se poser peut-être, le temps d'entrevoir la possibilité d'un autre niveau de conscience.

Feldman lui-même se désignait comme un empirique amoureux de la réalité acoustique et réclamait de ses interprètes ce même sens de l'écoute, disponible et ouvert à l'instant. Entre le son et le silence, il n'y a plus de rupture mais un prolongement. Avec naturel, le compositeur prend son temps sans avoir peur de le perdre. De sa musique émane la présence diffuse et indéniable d'une énigme familière qui, comme un aiguillon, titille notre perception et nous invite à vivre sensuellement le fugitif.

Isabelle Françaix
Photos de Pierre Hemptinne, métro Yser, Bruxelles.

Représentations passées

12/09/2008
Métro Yser - Bruxelles

12/09/2008
Aéroport de Zaventem - Zaventem

Photos : Pierre Hemptinne. Télécharger les photos.