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Jean-Paul Dessy - The Present’s Presents - Chant du Monde/Harmonia Mundi - 2005


Référence LDC 2781144
Disponible chez Harmoni Mundi/Chant du Monde : ICI
Et sur Amazon : ICI
The Present's presents (9 cordes et violoncelle)
The Prey's Prayer pour flûtes et oiseaux (9 flûtes et électronique)
Ode au Fado (11 cordes et pianoforte) /
Orée-Oraison-Hors-Raison (2 violons, alto et violoncelles)
Fable Ineffable pour cordes, dauphins, baleines et loups (9 cordes et électronique).
Ensemble Musiques Nouvelles dir. Jean-Paul Dessy (LDC 2781144)

 
"En quête d'une musique (...) Assonance de notre être et du monde, elle permet le battement de l'un par l'autre afin que celui qui l'écoute s'écoute." (Jean-Paul Dessy)
 
Oublier pour réinventer, chercher en la musique un lieu pour se perdre... et se retrouver. Porter en soi l'immensité, et la chercher. La démarche de Jean-Paul Dessy parle à cette dimension inaliénable, essentielle, qui est en nous, et que le quotidien oublie. Cette étrangeté qui nous est pourtant familière, cette intimité au monde dont chacun se fait l'écho, même à son insu. Et si l'angoisse nous étreint parfois, elle ressemble à la poignante mélancolie de son Ode au Fado, comme le pressentiment d'une dépossession, d'une perte insupportable, de ce manque d'être à soi, insoutenable, effrayant. Réversible ? Tant cette tristesse relève du bonheur de ressentir, peut-être... Hors-raison est l'imagination, la rigueur de l'oraison. L'espoir. L'exaltation mystique de "s'éprendre" et "se déprendre". Si "le son fait sens" comme l'exprime si bien Jean-Paul Dessy, les mots jouent à exister au-delà de leurs définitions. Ils s'émancipent avec les sons. Et le compositeur s'en amuse avec autant d'humour que d'intensité, plongeant dans leur sauvagerie animale, mêlant aux instruments des humains les voix des oiseaux de proie, des dauphins, des baleines et des loups. "Histoires d'instant présent" qui foudroient, creusent et illuminent la réalité tout à coup révélée dans sa multiplicité. Jean-Paul Dessy et l'Ensemble Musiques Nouvelles nous désenvoûtent de l'habitude ; ils empoignent nos sensations par le dépaysement, poétique et déroutant, des rythmes et des sons.

Ce que la presse en a dit

L'Enveloppe - Mars/Avril 2005 - O.C.
La double formation (musicale et littéraire) de Jean-Paul Dessy nous livre des oeuvres poétiques fortes, très expressives, et proches de la nature, tant par leur titre que leur contenu. Ainsi The Prey's Prayer et Fable ineffable intègrent des cris d'oseaux, de dauphins, de baleines et de loups dans leurs parties électroniques, savamment élaborées pour se mêler aux flûtes et aux cordes. On notera aussi l'importance des timbres des sonorités instrumentales de par l'homogénéité des formations, ce qui rejaillit encore une fois jusque dans les titres. Il ne faut pas y voir de simples jeux de mots, mais un rythme, des assonnances, des allitérations, des jeux de sonorités. Ces paronymes illustrent ce que le compositeur nomme paraphones, des sons se ressemblent et s'assemblent. Jean-Paul Dessy crée un espace sonore très suggestif. Nous plongeons ainsi dans un univers onirique qui laisse libre cours à notre imaginaire.
Le Monde de la Musique - Avril 2005 - Costin Cazaban
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De Jimi Hendrix à Giacinto Scelsi et au groupe l'Itinéraire (Orée-Oraison-Hors-Raison est une commande de l'ensemble français, donnée lors du Festival Ars Musica 2000), l'horizon stylistique du Belge Jean-Paul Dessy est important, comme le sont aussi ses vocations musicales : il est compositeur, violoncelliste et chef d'orchestre (on se souvient de ses enregistrements d'oeuvres de Scelsi - "Choc" du Monde de la Musique).
 
La plupart des oeuvres enregistrées ici misent sur la parenté timbrique des instruments, que vient troubler à point nommé une bande ou un rappel direct. Mais la science et l'imagination du compositeur visent justement à l'intégration du "diférent", voire de l'incongru : le fleuve sonore de The Present's Presents (qui, bien qu'instrumental, avoue une pratique experte de l'électroacoustique) s'élance vers quelque mer inconnue avec une détermination qui n'exclut point l'accident (allusions spectrales ou ethniques rappelant certaines techniques de Jonathan Harvey). Toute discordance est pourtant oursuivie (ou fructifiée), comme dans la "franciscaine" Prey's Prayer, avec oiseaux enregistrés et périodicités évoquant des musiques tibétaines. La fréquentation de genres peu conventionnels nourrit la sonorité de cette musique sans en menacer la substance : l'Ode au fado ramifie les suggestions du modèle dans une synthèse qu'apprécieront ceux pour qui l'intégration est plus bénéfique que l'exclusion. Il faut noter l'excellente qualité sonore et musicale de ce CD, aussi bien pour les interprétations instrumentales que pour l'électroacoustique.
Crescendo n°77 - Eté 2005 - Harry Halbreich
Violoncelliste, puis chef d'orchestre à la tête de Musiques Nouvelles, Jean-Paul Dessy s'affirme de plus en plus comme compositeur, sans doute le plus doué et le plus original de la communauté française de Belgique à côté de Benoît Mernier et de Jean-Luc Fafchamps. Sa musique, issue du courat spectral, intègre aussi des éléments importants venus du minimalisme, mais davantage russo-balte qu'américain, le tout tendant vers une panconsonance intégrant la tonalité dans contexte largement infrachromatique.
 
Les différentes pièces réunies ici, toutes récentes, ont en commun des structures formelles basées sur le principe de la basse obstinée, autrement dit de la passacaille, ce qui leur prête une grande clarté de déroulement et un impact immédiat sur l'auditeur. J'en reconnais un prototype vieux d'un siècle ou plus dans un très singulier mouvement d'un quatuor inachevé de Rachmaninov (je serais curieux de savoir si Dessy le connaît), et une oeuvre comme Ode au Fado (on remarquera la prédilection du compositeur pour les allitérations et les jeux de mots !) me fait aussi penser au compositeur letton Peteris Vasks.
 
C'est une musique d'une expression très directe et intense, et cependant sans facilité ni compromis, avec une prédilection vers une somptueuse richesse sonore et harmonique, même dans la plus ancienne de ses pièces, Orée-Oraison-Hors-Raison, qui n'est pourtant que pour quintette à cordes.
 
Le violoncelliste Dessy se reconnaît du reste à sa prédilection pour les cordes, qu'il manie avec une rare maîtrise, sauf dans The Prey's Prayer, qui associe à l'électronique un ensemble de douze flûtes. Ici, les commentaires très imagés et poétiques du compositeur recèlent une erreur de titre car celui-ci signifie en fait "la prière de la proie", et non celle "du prédateur" ce qui semble du reste plus logique.
 
Interprété à la perfection par les merveilleux solistes de Musiques Nouvelles, ce programme réservera les joies les plus insolites à ses heureux acquéreurs car voilà vraiment une musique ne ressemblant à aucune autre et confirmant que, talent et imagination aidant, la consonance recèle d'infinis territoires vierges.